Vivre avec une dyslexie à l’âge adulte, c’est souvent composer avec une réalité que l’on n’a jamais vraiment nommée : relire plusieurs fois un mail, passer plus de temps que les autres sur un document, ressentir une fatigue disproportionnée face aux tâches écrites. Beaucoup d’adultes découvrent d’ailleurs leur dyslexie tardivement, parfois au détour d’un bilan ou après des années d’adaptation silencieuse lorsque leur enfant est diagnostiqué.
Et dans ce contexte, une croyance persiste : « Mes difficultés ne sont pas assez graves pour demander de l’aide ».
Or c’est tout l’inverse. La dyslexie est officiellement reconnue comme un trouble spécifique du langage écrit. Elle peut ouvrir l’accès à des compensations, des aides financières, des aménagements et des accompagnements concrets, que l’on soit salarié, indépendant ou en recherche d’emploi.
L’objectif de ce guide est simple : rendre ces dispositifs compréhensibles, accessibles et moins intimidants. Vous n’êtes pas seul·e, et il existe des solutions pour alléger votre quotidien professionnel et retrouver de la fluidité.
Pourquoi tant d’adultes DYS passent à côté de leurs droits ?
Beaucoup d’adultes dyslexiques ont déjà construit leur parcours professionnel avant même d’avoir posé un nom sur leurs difficultés. Le diagnostic arrive tard, parfois vers 30, 40 ou 50 ans. Résultat : ils pensent qu’il est “trop tard”, ou que leurs aménagements actuels “suffisent bien”.
À cela s’ajoute la peur du jugement : être perçu comme moins compétent, moins rapide, moins fiable. Ce sont des inquiétudes légitimes — mais mieux comprendre la valeur des profils DYS au travail peut aider à renverser cette perception et à reconnaître ses besoins sans culpabilité.
Il est important de rappeler que les demandes d’aides sont confidentielles et qu’un dossier de reconnaissance ou d’aménagement ne remet pas en question la valeur professionnelle d’une personne. Au contraire : il permet de travailler dans de meilleures conditions.
Autre idée reçue : les aides seraient réservées aux handicaps visibles ou lourds.
Là encore, c’est faux. La dyslexie est pleinement prise en compte dans les dispositifs officiels de compensation, justement parce qu’elle a un impact concret sur la lecture, l’écriture et la charge cognitive au quotidien.
Enfin, le manque d’information joue un rôle majeur. Beaucoup ignorent qu’il existe des financements pour du matériel de lecture, des logiciels, des formations, ou encore des accompagnements spécialisés, parfois même sans nécessité d’avoir déjà une RQTH.
Même si votre situation vous paraît “discrète”, ces signes montrent que des aménagements ou un soutien financier peuvent faire une vraie différence.
La RQTH pour les adultes DYS : lever les ambiguïtés
Pour beaucoup d’adultes dyslexiques, la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) reste un sujet flou, voire intimidant. On imagine une procédure lourde, réservée aux handicaps visibles, ou un statut qui pourrait “coller à la peau”. En réalité, la RQTH est avant tout un outil de protection et de compensation, pensé pour sécuriser un parcours professionnel… et non pour étiqueter ou stigmatiser.
Elle n’est pas obligatoire pour travailler, mais elle ouvre l’accès à des aides financières, du matériel adapté, des aménagements concrets et un accompagnement renforcé en cas de difficultés dans l’emploi.
À quoi sert vraiment la RQTH quand on est dyslexique ?
La RQTH existe pour permettre à chacun de travailler dans de bonnes conditions. Dans le cadre de la dyslexie, elle peut faciliter :
• Des aménagements de poste
– temps supplémentaires pour les tâches nécessitant de la lecture
– consignes reformulées ou supports adaptés
– réunions plus visuelles ou documents fournis en amont
– télétravail partiel si la fatigue cognitive est importante
• L’accès à du matériel financé ou cofinancé
– outils de lecture
– logiciels spécialisés (dictée vocale, synthèse vocale…)
– équipements ergonomiques
– éclairage adapté pour réduire la fatigue visuelle
• Un accompagnement dédié
Les salariés du privé peuvent être soutenus par l’Agefiph ; les agents publics par le FIPHFP.
Ces organismes financent des adaptations, du matériel et parfois même des formations, lorsque les difficultés de lecture ou d’écriture impactent directement le travail.
• Le maintien dans l’emploi
La RQTH ouvre aussi des dispositifs d’appui pour prévenir des ruptures de contrat lorsque la charge écrite devient trop lourde.
En résumé : ce statut n’est pas une étiquette, mais une clé d’accès à des solutions concrètes.
Est-elle obligatoire ?
Non, la RQTH n’est jamais obligatoire pour exercer un métier.
Beaucoup d’adultes dyslexiques travaillent toute leur vie sans la demander.
En revanche :
- Elle devient nécessaire pour obtenir certaines aides financières, notamment quand il s’agit de matériel de compensation ou d’un aménagement spécifique du poste.
- Elle peut faciliter et accélérer les démarches auprès de l’Agefiph, du FIPHFP ou des services RH.
- Elle n’a aucune conséquence négative sur un CV ou une carrière. Les informations restent confidentielles et protégées.
Demander la RQTH ne remet pas en cause vos compétences ; cela reconnaît simplement que certaines tâches exigent davantage d’énergie et qu’il existe des solutions pour les rendre plus accessibles.
Procédure MDPH en 3 minutes
Demander la RQTH passe par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). La démarche peut sembler complexe, mais elle repose sur quelques étapes simples.
Les documents essentiels :
formulaire de demande MDPH (téléchargeable en ligne)
certificat médical (moins d’un an)
description claire de vos difficultés au travail
si besoin : bilans ou attestations complémentaires
Durée moyenne :
Le délai varie selon les départements, mais il faut généralement 4 à 6 mois pour obtenir une réponse.
Conseils pour un dossier clair et solide :
privilégier un langage simple, sans jargon médical
décrire les situations concrètes : relecture répétée, erreurs liées à la fatigue, lenteur dans les tâches écrites, surcharge cognitive
préciser l’impact sur le travail : délais, stress, charge mentale, réunions difficiles à suivre
demander l’appui d’un référent handicap, d’un médecin du travail ou d’un conseiller France Travail si besoin
La MDPH ne juge pas la sévérité apparente du trouble : elle évalue l’impact sur votre quotidien professionnel.
Les aides financières pour le matériel de compensation (dont les solutions de lecture)
Beaucoup d’adultes DYS ignorent qu’il existe des financements dédiés au matériel de compensation : outils de lecture, logiciels spécialisés, aménagements ergonomiques, solutions d’éclairage…
Ces aides sont pensées pour réduire la fatigue visuelle, faciliter la compréhension écrite et fluidifier les tâches du quotidien. Elles peuvent couvrir une partie — et parfois la totalité — du coût du matériel, selon les besoins évalués.
Ces dispositifs concernent aussi bien les salariés du privé que les agents publics, les indépendants ou les demandeurs d’emploi, et il peut être utile de comprendre comment fonctionne une solution visuelle adaptée pour évaluer son intérêt dans la compensation quotidienne.
L’aide Agefiph pour les salariés du privé
L’Agefiph (pour les salariés du secteur privé) peut financer un large éventail de solutions destinées à compenser les difficultés de lecture ou d’écriture.
Ce qui peut être financé :
- matériel de lecture ou d’aide à la compréhension
- logiciels spécialisés (dictée vocale, synthèse vocale, outils d’annotation…)
- matériel ergonomique (si la fatigue cognitive s’accompagne de tensions physiques)
- éclairage spécifique pour réduire la fatigue visuelle, un point particulièrement important pour les adultes sensibles aux contrastes lumineux
Dans certains cas, la prise en charge peut être quasi intégrale, notamment lorsque la RQTH est accordée et que l’aménagement est jugé utile pour maintenir la personne dans de bonnes conditions de travail.
L’Agefiph accompagne également les entreprises : référents handicap et services RH peuvent solliciter la structure pour être guidés dans les choix de matériel.
C’est d’ailleurs dans ce cadre que des solutions comme la lampe et l’écran LILI ont été présentées depuis deux ans aux URRH, l’un des grands rendez-vous des référents handicap, où sont centralisées les innovations utiles à l’inclusion au travail.
Le FIPHFP pour les agents publics
Pour les agents de la fonction publique, c’est le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) qui prend le relais.
Les aides sont globalement comparables à celles de l’Agefiph : matériel de lecture, logiciels adaptés, aménagement du poste, éclairage spécifique…
La différence principale :
la demande passe systématiquement par le référent handicap ou inclusion-diversité de l’établissement, qui coordonne le dossier et valide les besoins avec le service RH.
Les grandes administrations et établissements publics disposent souvent d’un réseau interne de référents formés, capables d’orienter rapidement la personne vers les bons dispositifs.
Les financements régionaux
Certaines régions proposent des aides complémentaires pour soutenir l’insertion ou le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Leur fonctionnement varie, mais elles s’inscrivent en général dans les dispositifs « Handicap & emploi », souvent en lien avec les missions locales, les services régionaux de formation ou les plateformes d’emploi.
Ces financements peuvent intervenir lorsque :
- un matériel spécifique est jugé nécessaire,
- l’Agefiph ou le FIPHFP ne couvrent pas l’intégralité du besoin,
- une formation nécessite un équipement adapté pour être suivie dans de bonnes conditions.
Ils sont surtout sollicités par les indépendants, les demandeurs d’emploi et les personnes en reconversion.
Mini-liste : matériel de compensation souvent éligible aux aides
Voici les équipements les plus fréquemment financés dans le cadre des troubles DYS :
- outils de lecture (lampes, filtres, solutions visuelles dédiées)
- logiciels de dictée vocale ou de synthèse vocale
- éclairage ergonomique pour réduire l’éblouissement et la fatigue visuelle
- outils d’aide à la concentration
- casques anti-bruit ou solutions de gestion de l’environnement de travail
- matériel optique ou ergonomique facilitant la lecture prolongée
L’important à retenir : ce n’est pas l’équipement qui détermine l’aide, mais le besoin de compensation.
Si un matériel améliore réellement la compréhension écrite ou réduit la fatigue cognitive, il mérite d’être étudié.
Les aides à la formation : un levier souvent ignoré
La formation professionnelle est l’un des dispositifs les plus sous-estimés par les adultes DYS. Pourtant, elle peut financer des parcours très concrets : améliorer sa fluidité en lecture, renforcer ses compétences écrites, découvrir des méthodes adaptées ou encore suivre un accompagnement spécialisé.
Que l’on soit salarié, indépendant, en transition ou demandeur d’emploi, la formation est souvent plus accessible que ce que l’on imagine — et elle peut être complétée, en cas de RQTH, par des aides supplémentaires.
CPF : le financement le plus simple
Le Compte Personnel de Formation (CPF) reste le moyen le plus direct pour financer des apprentissages lorsque l’on est adulte.
Pour les personnes dyslexiques, il peut couvrir :
- des formations pour améliorer la lecture, l’écriture ou la compréhension
- des modules sur l’organisation, la prise de notes ou la gestion de la charge cognitive
- des accompagnements spécialisés DYS, proposés par des organismes agréés
- des bilans de compétences, utiles en cas de reconversion ou d’évolution professionnelle
Le CPF peut aussi être combiné à d’autres dispositifs lorsque la RQTH est reconnue, afin de réduire encore le reste à charge.
Pôle emploi / France Travail / Cap emploi
Pour les demandeurs d’emploi, France Travail (anciennement Pôle emploi) et Cap emploi disposent de financements complémentaires lorsque la situation de handicap impacte la recherche d’emploi ou la reconversion.
Ainsi, selon les cas, ils peuvent intervenir pour :
- compléter le financement d’une formation longue
- financer du matériel utile à la formation (outils de lecture, logiciels…)
- proposer un accompagnement renforcé via Cap emploi
- aider à sécuriser un nouveau poste lorsque les tâches écrites représentent un obstacle
Lorsque la RQTH est présente, le dossier est souvent simplifié : les besoins sont mieux identifiés, et les solutions plus rapides à activer.
Aides pour les indépendants
Les travailleurs indépendants disposent aussi de leurs propres dispositifs via :
- Agefice (pour les dirigeants non-salariés du commerce, de l’industrie et des services)
- FIF-PL (pour les professions libérales)
Ces fonds prennent en charge des formations en lien direct avec l’activité professionnelle, notamment lorsqu’elles permettent de compenser une difficulté durable liée à la lecture ou à l’écriture.
En présence d’une RQTH, certains aménagements ou matériels nécessaires à la formation peuvent également être financés.
Salariés, indépendants, demandeurs d’emploi : quelles aides pour quel profil ?
Les dispositifs existent, mais ils ne s’adressent pas tous aux mêmes publics. Selon votre situation professionnelle, les interlocuteurs ne seront pas les mêmes, et les financements non plus.
Voici un repère simple pour vous orienter rapidement.
Tableau récapitulatif
Dans les grandes entreprises et les administrations, un référent handicap–inclusion est quasiment toujours disponible : c’est lui qui vous accompagne, simplifie les démarches et construit le dossier de financement avec vous. Ce rôle est encore trop méconnu, mais il peut véritablement accélérer et sécuriser les demandes.
Comment faire une demande sans se perdre ?
Les dispositifs sont nombreux, et il est facile de s’y perdre si l’on part seul. En réalité, la plupart des demandes se structurent autour d’un fil conducteur simple : identifier un besoin, trouver le bon interlocuteur, monter un dossier clair.
Voici une méthode accessible, pensée pour éviter la surcharge.
La méthode claire en 4 étapes
1. Définir les difficultés rencontrées au quotidien
Quelles tâches vous coûtent le plus ? Lecture longue ? Reporting ? Mails ? Réunions écrites ?
Plus la situation est précise, plus les aides seront pertinentes.
2. Lister ce qui pourrait vous aider
Matériel de lecture, logiciel de dictée vocale, éclairage adapté, formation…
Il ne s’agit pas d’un “shopping list”, mais d’un repère pour comprendre vos besoins.
3. Contacter le bon interlocuteur
- salarié du privé → référent handicap, RH, médecin du travail
- agent public → référent handicap inclusion
- indépendant → organisme de formation ou MDPH
- demandeur d’emploi → conseiller France Travail ou Cap emploi
Ces professionnels connaissent les aides, les financements et les procédures. Leur rôle est de vous accompagner.
4. Monter un dossier simple, factuel, sans jargon médical
L’objectif n’est pas de prouver que votre situation est “grave”, mais d’expliquer ce qui est difficile et pourquoi un aménagement soulagerait réellement votre quotidien.
Les erreurs à éviter
• Penser que la dyslexie “ne mérite pas” d’aide
Si elle impacte votre travail, elle mérite un aménagement. Point.
• Sous-estimer la fatigue cognitive
Lire et relire plusieurs fois, reformuler, compenser… tout cela a un coût invisible mais bien réel.
• Monter son dossier complètement seul
Un référent, un médecin du travail ou un conseiller sait simplifier les étapes et orienter vers les bons financements.
• Oublier les justificatifs liés au travail
Exemples concrets, descriptifs de tâches, preuves de charge : tout cela permet d’adapter les réponses de manière plus juste.
Mini FAQ : les questions que tous les adultes DYS se posent
Est-ce que la dyslexie seule suffit pour obtenir la RQTH ?
Oui, la dyslexie peut suffire si elle a un impact réel sur votre vie professionnelle : fatigue, lenteur, difficultés à produire ou comprendre des écrits, surcharge cognitive…
La MDPH évalue l’impact fonctionnel, pas la “gravité apparente” du trouble.
Les aides couvrent-elles aussi le matériel de bureau ?
Oui, si le matériel contribue à réduire les difficultés liées à la lecture ou à l’écriture :
– logiciels adaptés
– outils de lecture
– matériel ergonomique
– éclairage spécifique
Les dispositifs Agefiph/FIPHFP financent régulièrement ces compensations.
Puis-je demander une aide même sans diagnostic récent ?
Oui.
Un diagnostic ancien reste valable s’il décrit un trouble persistant.
Et si vous n’avez jamais été diagnostiqué·e, la démarche reste possible : la MDPH peut s’appuyer sur des observations, un certificat médical ou une évaluation récente.
Est-ce que je dois prévenir mon employeur si je fais une demande ?
Non dans un premier temps.
Vous êtes libre de constituer un dossier seul(e).
Mais pour obtenir certaines aides (notamment du matériel financé), la collaboration avec l’entreprise devient souvent nécessaire, car c’est elle qui porte la demande auprès de l’Agefiph.
Les grandes entreprises ont-elles des dispositifs spécifiques ?
Oui.
Elles disposent presque toujours d’un référent handicap–inclusion formé pour :
- vous orienter vers les aides adaptées
- monter les dossiers
- accompagner les achats de matériel
- sécuriser la confidentialité.
Ce réseau interne est un atout largement sous-exploité par les salariés DYS.



